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C2: un projet de loi trop intrusif?

Trium Médias

10h00 – 12/06/2025

Par Mélissa Tremblay, Coordonnatrice numérique

Des éléments d'un projet de loi déposé la semaine dernière à Ottawa soulèvent des questions sur la protection de la vie privée. C-2, qui tente de répondre à certaines demandes du président américain à l’égard du Canada, vise à renforcer la sécurité à la frontière avec les États-Unis, mais pas que… Quelques mesures semblent dépasser largement l’objectif annoncé de ce texte législatif.

Le projet de loi du ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, est qualifié d’omnibus, car il ambitionne de modifier une vingtaine de lois. Le Bloc québécois s’est déjà prononcé en faveur de son principe, mais, comme l’opposition conservatrice, a émis des doutes entourant plusieurs articles.

DE L’INFORMATIQUE… À LA POSTE
À une époque où l'on se préoccupe de la possession de nos données personnelles par les géants du numérique, ces informations sensibles pourraient être plus facilement accessibles au gouvernement s’il avait des «motifs raisonnables» de soupçonner une infraction à la loi ou de juger qu’elles sont utiles dans le cadre d’une enquête.

En effet, le projet de loi prévoit qu’un fournisseur de services puisse être obligé à fournir les renseignements qu’il détient sur l’un de ses clients, incluant des données de transmission qui permettraient notamment de retrouver l’endroit où les services de télécommunication ont été obtenus.

S'il était adopté dans sa mouture actuelle, C-2 accorderait aussi à Postes Canada une plus grande marge de manœuvre pour l’ouverture des envois postaux en l’étendant aux lettres, qui étaient jusqu’ici exclues de cette disposition dans la Loi sur la Société canadienne des postes.

Ce contrôle accru, qui ne concerne pas la protection de la frontière, est difficilement justifiable par les demandes de Donald Trump à ce sujet. Les motifs raisonnables avancés par le gouvernement requièrent d’être précisés. C’est pourquoi le travail en comité parlementaire, où des amendements pourront être proposés, des témoins entendus et des questions posées par les oppositions, sera crucial.

RESTER SUR SES GARDES
Notre devoir de citoyens rempli le 28 avril ne peut servir d’excuse à l’endormissement de notre intérêt pour la politique jusqu’à la prochaine élection ou jusqu’au prochain scandale d’envergure. Le projet de loi C-2 doit servir de rappel quant à l’importance de ne pas baisser la garde face à la chose publique, qu’elle nous fascine ou non.

Une élection ne vise pas à donner un chèque en blanc à nos décideurs, quoi qu’en disent ces derniers sur le «mandat fort» que leur aurait accordé la population. L’imputabilité et la reddition de comptes sont primordiales, mais il est de notre responsabilité de nous tenir informés et alertes.

Le parcours législatif de C-2 ne fait que commencer et il nous permettra d’avoir un débat collectif sur le juste équilibre à adopter entre sécurité et liberté. Ce dilemme est d’autant plus pertinent en ces temps où les États pourraient être tentés de s’octroyer des pouvoirs supplémentaires pour renforcer la sécurité, au risque d’empiéter sur les droits et libertés.